Tunisie : L’immobilier s’enfonce

Disons-le d’emblée et sans ambages, la crise de l’immobilier n’est pas due, uniquement, à une baisse du pouvoir d’achat des citoyens et de la capacité d’endettement subséquente.

Elle est d’abord et avant tout la résultante d’une gloutonnerie manifeste des promoteurs.
Ces derniers, depuis que Ben Ali a empêtré les citoyens dans les crédits pour leur donner l’illusion d’un accès à tous les biens de consommation, ont mis les bouchées doubles en construisant à tout bout de champ des logements rivalisant en « haut standing ».

Déjà, bien avant que le déchu n’embarque à bord de l’appareil qui l’a conduit à Jeddah, le secteur présentait des signes évidents d’essoufflement et la mévente est principalement la conséquence, non envisagée, de visées un peu trop ambitieuses. Les promoteurs ont mis la barre haut, très haut même, surestimant, au passage, l’appétit du Tunisien pour la propriété et le confort.

A cela, les nouvelles donnes de la période ayant suivi le 11 janvier 2011 n’ont apporté aucune consolation, mais elles ont encore plus enfoncé la promotion immobilière dans un sac de nœuds véritablement inextricables.

Par où commencer : par les TMM (taux de marché monétaire) qui ont quasiment doublé depuis 2011 et qui, bien évidemment, se répercutent sur les crédits alloués par les banques pour les logements. « Il faut être fou pour emprunter cinquante mille dinars à une banque et en rembourser presque cent » avait surenchéri un citoyen lors d’un reportage télévisé sur la crise du logement.

Et comme un malheur n’arrive jamais seul : les droits d’enregistrement des biens immobiliers ont, eux aussi, augmenté et la TVA atteindra les 19% au 1er janvier 2020, sachant que la loi de finances de 2018 prive les promoteurs de toute récupération de ladite TVA comme ils le faisaient avant.

Ces mêmes promoteurs, pour expliquer les prix exorbitants des biens immobiliers qu’ils refilent à leurs prochains, ressortent toujours la même ritournelle de l’augmentation des prix des matériaux de construction et surtout ceux entrant dans les travaux de finition, de la plomberie, à l’électricité, en passant par la menuiserie.

La cherté du prix de revient n’est pas la seule explication aux tarifs rebutants des logements, il y a surtout cette gloutonnerie que nous avions évoquée au début de cet écrit.

L’illusion d’un accès aux biens de consommation via l’endettement, la naissance d’une nouvelle caste de riches dès les premières années de ce siècle, ont fait que le gros des Tunisiens a commencé à voir grand. Les logements dits économiques construits dans les zones populaires avec des matériaux de choix dérisoires ont été relégués au second plan au profit des nouvelles cités érigées dans des banlieues huppées avec une classification dite de haut standing.

Pendant toutes les années qui ont précédé la funeste révolution, l’engouement du Tunisien pour l’habitat de luxe était sans bornes. Les moins lotis furent lésés et même la Société nationale immobilière de Tunisie (SNIT) fut mise en veilleuse au grand dam de la classe véritablement moyenne de la société.

Aujourd’hui, des centaines, peut-être des milliers de logements ayant poussé çà et là à travers le pays, principalement dans le Grand-Tunis ne trouvent plus acquéreur. Le prix du mètre carré, construit, oscille entre deux et huit voire dix mille dinars. Peu de chances que des acheteurs tentent d’acquérir des propriétés à ce prix-là.

Ceux qui ont les moyens préfèrent investir ailleurs, même avec la chute vertigineuse du dinar. Quand on est milliardaire, dans un pays de moins en moins sûr, on lorgne plus du côté du Maroc ou même de l’Europe. L’achat d’un bien en Tunisie demeure, du moins pour le moment, tributaire de divers aléas, le sécuritaire en prime.

Inversement, le droit concédé à des étrangers, principalement les Libyens et les Algériens, d’acquérir des biens immobiliers en Tunisie n’a pas produit l’effet escompté, ça n’a pas été la ruée.

Tout compte fait, l’élément le plus important dans cette histoire est en rapport très étroit avec la stabilité de ce pays et de sa situation sécuritaire.

Tant que les choses iront mal, les promoteurs auront des cités fantômes sur les bras.

 

Imed BEN HAMIDA
Le 26/11/2018

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